Si j’aime la montagne pour l’immensité de son écho romantique, c’est peut-être malheureusement l’endroit où je remarque le plus le reflet de l’effondrement de notre société. Notre civilisation ne survivra pas telle qu’elle est au massacre qu’elle perpétue sur le vivant, à l’instabilité qu’elle impose aux systèmes. Les montagnes s’effondrent, l’absurdité du tourisme de masse intensifie la fragilité de ces milieux. En perdant leur permafrost, les hauts sommets menacent de s’effondrer. Les glaciers, en fondant, nourrissent le déchainement des torrents qui ravinent les vallées. Tant que la montagne tient telle qu’elle est, nous pouvons encore la fréquenter, mais le jour où la limite de la stabilité sera franchie, elle deviendra si dangereuse que nous ne pourrons plus aller y rêver.
Cette aventure audiovisuelle raconte cette histoire de l’effondrement des falaises, de la chute vertigineuse des hommes dans leur vision technique du monde. La flagrante beauté ne sera plus accessible et nous n’aurons plus que les images pour nous en souvenir.
Prise dans une structure verticale, de toute sa hauteur, l’image fait vivre la catastrophe. Elle glisse poétiquement des pâturages verdoyants, aux chutes des roches. Les forces en présence sont indescriptibles et rien ne leur résiste. Chaque instant rappelle que ces immenses masses rocheuses en équilibre ne cessent de s’éroder. Poussées par les forces telluriques, elles sont soufflées par les vents qui au fil des millénaires sculptent leur profil. Cette pièce est un déferlement, une tempête de pierres. Les vagues ici sont si grandes et si solides qu’on ne peut les voir bouger que quand elles cassent.
Tant que la montagne, tant que le vent, tant que les hommes, mais en aucun cas, sans changer, on ne peut dire qu’il est encore temps.
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Jacques Perconte