La comprovisation comme fil conducteur
Comme son nom l’indique, la comprovisation se situe à la confluence de la composition et de l’improvisation, deux notions qui peuvent sembler antagonistes et s’avèrent pourtant complémentaires. Cette dimension se trouve au cœur de l’ensemble des pratiques de l’Onceim.
Clément Canonne, chercheur au CNRS et à l’Ircam, a mené un travail de recherche sur la comprovisation en s’appuyant sur le travail singulier mené par l’Onceim et l’outil développé par ses musiciens au fil des séances de travail collectives. Cette étude atteste d’ailleurs la spécificité de l’orchestre à cet égard et amène l’Onceim à renouveler les collaborations avec des sociologues, chercheurs…
La création collective comme fondement
Depuis sa création, l’Onceim mène un travail approfondi autour de la musique improvisée contemporaine ou EAI (ElectroAcoustic Improvisation), domaine musical très créatif et influent en particulier depuis la fin des années 1990 avec l’émergence de démarches artistiques très fortes.
À travers des séances de travail régulières et des résidences, l’orchestre se confronte à ce processus d’élaboration musicale complexe (en particulier quand il se pratique en grand nombre), et aux problématiques esthétiques qu’il soulève dans une pratique en grand ensemble. C’est un travail collectif et analytique qui cherche à trouver l’équilibre entre la richesse du savoir-faire individuel et l’objet artistique commun.
De nombreuses stratégies, telles que l’écoute, le développement de timbres et modes de jeux en sous-groupes, l’équilibre de plusieurs plans sonores simultanés, le déplacement individuel au sein des différentes matières collectives, ont été mises au point et explorées. L’orchestre a su développer un vrai travail d’orchestration à partir des sonorités et modes de jeux spécifiques des musiciens. Cette approche confère aujourd’hui à l’orchestre une identité et une qualité sonore et d’accompagnement tout à fait exceptionnelles.
L’orchestre-outil
De l’approfondissement de ces pratiques, les musicien·nes de l’Onceim ont développé un panel de savoir-faire riches et uniques. Plus qu’un outil, on peut même parler de boîte à outils, comme si chaque musicien·ne était un outil au service du projet porté.
Sans nécessairement savoir où l’on va, on y va, on se croise, on se superpose, on fabrique, on façonne, on écoute, on s’écoute, on produit ensemble. Il y a aussi l’idée d’une sérendipité qui pourrait survenir à tout moment, alors il s’agit de la saisir pour en extraire tout son éclat. Ces trouvailles ne font qu’enrichir la palette sonore et sensorielle de l’Onceim.
Les commandes
L’idée de commandes et collaborations est justement de confronter l’outil de l’orchestre et de ses musicien·nes virtuoses à l’extérieur, à d’autres types de personnes, à d’autres types de boussoles. Pour explorer toujours de nouvelles terres, de nouvelles matières. Les artistes avec qui l’Onceim collabore ont un univers fort et singulier, sans nécessairement avoir eu l’occasion de travailler avec un orchestre auparavant. La malléabilité de l’orchestre permet d’étendre ses collaborations au-delà de la musique : danse, arts plastiques, arts visuels, etc.
Au cours des douze années écoulées, l’Onceim a accumulé une riche expérience de collaborations reposant sur des processus de transmission, d’échange et d’écriture très différents qui permettent aujourd’hui un accompagnement au plus juste, capable de prendre en compte les caractéristiques de chaque artiste convié tout en valorisant les savoir-faire spécifiques des musiciens. Pour qu’une véritable rencontre ait lieu, pour pouvoir donner naissance à une œuvre originale, l’orchestre met en place avec chaque compositeur invité une méthodologie de travail spécifique qui lui permet d’appréhender la richesse sonore sans limite offerte par l’orchestre.
S’interroger sur la façon dont une idée musicale qui a mûri dans l’imaginaire d’une personne puisse devenir une réalité sonore portée par l’orchestre est au cœur de ses préoccupations et des modalités de la comprovisation.
Les collaborations avec d’autres formations
Toujours dans cette dimension d’échanges intrinsèque au processus créatif de l’Onceim, les collaborations avec d’autres formations issues des musiques contemporaines ou improvisées, compagnies ou centres de recherche existent depuis sa création : Klangforum (Vienne), Contrechamps (Genève), Motus, le GRM, le Splitter Orchester (Berlin), l’IMO (Genève), le St. Petersburg Improvisers Orchestra (Saint-Petersbourg), l’ensemble Un (Bordeaux) et le GGRIL (Rimouski, Canada).
Chacun avec sa singularité et son histoire, ces formations partagent des valeurs communes fortes, telles que le développement de nouvelles formes de composition, la promotion des pratiques d’improvisation libre, les échanges avec le public vers qui se destine tout ce travail de recherche du sonore, l’exigence artistique ou encore l’investissement individuel de chacun au service du tout. Fort de ces constats, l’Onceim a provoqué la rencontre de ces initiatives à plusieurs reprises afin de confronter leurs directions artistiques et leurs méthodologies, et de permettre aux musicien·nes d’explorer de nouvelles formes musicales.
Parce que la transmission est inhérente au travail de recherche et de création, cette dimension est chère à l’Onceim. À travers différentes formes d’ateliers et d’échanges, l’idée est de présenter d’autres manières de faire de la musique, d’inciter les gens – étudiants en musique notamment – à développer leur singularité, leur créativité, au-delà du seul travail d’interprétation. Le partage et l’ouverture amenés par la transmission permettent à un nouveau public de vivre cette expérience musicale.
Une des volontés qui sous-tendent les différents dispositifs pédagogiques mis en place est l’apprentissage par « le faire » et ce de façon ludique. Par le biais d’ateliers spécifiques, adaptés en fonction des publics, l’idée est de permettre autant la découverte d’esthétiques musicales différentes que le développement d’un potentiel créatif ou l’expérimentation du collectif dans la création d’une œuvre commune.
À cette fin, l’Onceim développe son offre d’action culturelle selon trois grands axes :
Les pratiques amateurs et professionnelles
Les actions sont pensées pour des musicien·nes amateur·rices ou professionnel·les, des élèves et/ou des professeurs de conservatoire. L’objectif est d’aborder la création musicale contemporaine expérimentale par la pratique de l’improvisation et de développer la créativité individuelle à travers le jeu collectif.
Des ateliers d’initiation
L’Onceim propose des ateliers d’initiation à l’improvisation dans des structures culturelles de référence. Dernièrement, la Bibliothèque publique d’information, au Centre Pompidou, a accueilli un cycle consacré aux percussions et aux polyrythmies. L’occasion d’aborder des thématiques variées comme l’attention portée aux sons produits ou encore la possibilité de faire de la musique avec n’importe quel outil.
Des ateliers de pratique hebdomadaire
Initialement organisé à l’église Saint-Merry, et maintenant à la Cité internationale des arts, ce cycle annuel est ouvert à tout·e musicien·ne ou artiste sonore, professionnel·le ou amateur·rice. Axé principalement sur la pratique collective et l’expérimentation, ce rendez-vous est une invitation à venir jouer régulièrement avec d’autres et à s’interroger sur les enjeux de la création musicale et sonore contemporaine.
L’accompagnement en composition
Le travail de transmission s’opère, également, en collaboration avec des classes de composition des conservatoires et des écoles de musique, pour former les gens à penser et composer la musique différemment. Les étudiant·es sont initié·es par des musicien·nes, compositeur·rices aux nouvelles techniques instrumentales, accompagné·es dans l’écriture de leur pièce et l’interprétation de la version finale. Ces dispositifs peuvent s’envisager en marge d’un événement, comme ce fut le cas lors du festival Moers en Allemagne avec le dispositif de la Moersterclass.
L’Onceim collabore régulièrement avec des établissements comme la Cité de la musique-Philharmonie de Paris ou le Pôle supérieur d’enseignements artistiques de Lille.
Les scolaires
Sensibilisation par le plaisir
L’Onceim souhaite s’adresser au plus grand nombre et développe un panel d’ateliers à destination des scolaires – de l’école primaire au lycée. Des temps d’échanges créatifs et féconds qui s’adaptent suivant les âges et qui visent à la sensibilisation aux musiques improvisées dans ce qu’elles ont de plus large. Pensés comme des « laboratoires », ces moments sont des espaces d’expérimentation ouverts où différents médiums pourront être intégrés (l’image, le dessin, le texte ou la parole…). Nul besoin de connaissance musicale au préalable, seules comptent la curiosité et l’attention active afin de se familiariser à ces nouvelles sonorités et susciter, peut-être, le désir créatif.
Des actions et des territoires
L’orchestre participatif
L’Onceim développe depuis quelques années un dispositif d’orchestre participatif. Initié à Gonesse puis développé sur le territoire de la Seine-Saint-Denis à travers l’OVNI (Orchestre des versions novatrices de l’impossible), ce projet est conçu en partenariat avec diverses structures de villes du département dans le but de créer une pièce collective jouée par un orchestre participatif. Constitué d’un effectif pouvant aller jusqu’à 100 personnes, professionnel·les et amateur·rices de tous âges, musicien·nes, habitant·es, jouent ensemble avec des instruments et objets de toutes sortes.
Les objectifs sont multiples et permettent de proposer une expérience humaine et artistique dans laquelle chaque partie prenante peut se retrouver et s’initier à de nouvelles pratiques. Il ne s’agit pas seulement de créer une pédagogie, mais bien un acte collectif et artistique de qualité, transgressant l’apprentissage technique par l’approche artistique.
À ce titre, l’Onceim entame une collaboration outre-Manche avec Cöma (Contemporary Music for All), une organisation dont le but est de promouvoir la pratique des musiques de création pour tous avec un dispositif permettant de mettre en relation créateurs, professionnels et amateurs. C’est également un festival lors duquel sont présentées les créations ainsi réalisées.
Ancrage territorial et résidences
Un lieu d’ancrage permet aux artistes d’expérimenter une relation avec les quartiers et leurs habitants, de se mettre à l’écoute de la vie au quotidien et de traduire cette relation dans la co-construction d’œuvres et l’organisation d’événements festifs et culturels. Des échanges riches et créatifs où les compétences de l’orchestre sont mises au service d’acteurs territoriaux.
Aujourd’hui, l’Onceim cherche à se réimplanter sur le territoire francilien, notamment grâce à des résidences au long cours, afin de mettre en œuvre les propositions énoncées ci-dessus et de les croiser avec les créations de l’orchestre.